Une (en)quête d’amour et de justice
Qui Adopte Qui ? est une recherche artistique centrée sur l’adoption internationale qui se présente comme une (en)quête d’amour et de justice, depuis l’expérience d’une adoptée transraciale et transnationale située dans le Nord Global.
Je m’appelle Lucile Saada Choquet, je suis née à Djibouti de parents éthiopiens, je vis et je travaille en Europe. En octobre 2022, c’est le coming out d’une condition invisible, je transforme la honte d’être noire et adoptée en sujet de recherche. Je décide alors d’écouter le hurlement intérieur, et d’enquêter sur ma colère contre le narratif dominant et romantisé de l’adoption internationale.
Durant deux années de recherche j’écris, j’atteste de la colonialité, des pratiques illicites et des abus qui sous-tendent le système de l’adoption internationale pour rendre symboliquement justice aux vécus des personnes adoptées. A qui profite le système de l’adoption internationale ? Au service de quel projet politique ? Je ne cesse de questionner et de décrypter ce qui permet de reproduire la violence capitaliste. Je cherche comment, depuis la mémoire du corps-archive(s), représenter ce que l’adoption internationale fait aux corps des personnes adoptées racisées.
Comment créer à travers l’usage des arts performatifs des imaginaires non hégémoniques ? A partir de l’écriture du réel et de la mémoire d’un corps dépossédé, déplacé, approprié, comment déplier une théâtralité du chaos ? Je développe une dramaturgie en associant des approches littéraires, scientifiques, militantes, historiques et personnelles. En organisant des rencontres non-mixtes avec des adoptéxes, je contribue à la transmission collective des savoirs empiriques et je nourris mes questionnements liés au faire famille et à la recherche d’une diaspora composée d’adoptéxs.
En 2024, je m’attache à sortir de l’eurocentrisme et j’ouvre ma recherche en l’inscrivant sur le territoire éthiopien. Par l’apprentissage de l’amharique, langue officielle de l’Ethiopie, j’opère un premier déplacement qui me permet de mettre un terme à l’asphyxie de la blanchité qui circule en moi. Je poursuivrai en 2025 la transformation d’un regard intérieur colonisé en enquêtant sur la terre natale de ma famille biologique, l’Ethiopie. Quels sont les points de vue des éthiopien.nes sur l’adoption internationale ? En tant que personne adoptée, noire européenne, est-il possible de tendre vers une pratique artistique fondamentalement décoloniale et non eurocentrée ?